vendredi 21 décembre 2012

La fin de l'infographiste

L'infographiste est condamné à disparaître. Fonction hybride, plusieurs fois remaniées et toujours indéfinissable, l'infographiste est éclipsé par les métiers de l'information, du code et de la gestion de plates-formes numériques. Les armées de petites mains de l'industrie du papier sont progressivement remerciées, dissoutes dans l'économie numérique, supplantées par des robots assembleurs, des agents de renseignement et des bases de données. L'infographiste des années 90, le super-héros de la publication assistée par ordinateur, doit tirer sa révérence et céder la place aux webmasters, aux community managers, aux codeurs, aux blogueurs, aux datajournalistes... Son temps est révolu, ses outils lui échappent, son savoir est numérisé et transféré dans les banques d'images et de modèles. Comme d'autres métiers avant lui, l'infographiste doit accepter la mutation ou bien périr tel un esclave enseveli dans les fondations du monument.


Le déclin de la presse papier, les mutations de l'industrie du livre, les volontés farouches de digitaliser la planète contribuent tous à la diminution des équipes et des interventions humaines. Le haut degré de sophistication des outils informatiques, leurs dématérialisations et l'extension du monde virtuel au travers de la multiplication des écrans accentuent et accélèrent cette décroissance du facteur humain. Il ne faut plus qu'une poignée de codeurs pour construire des applications majoritairement orientées vers la gestion de l'existant. Le rôle de l'image est circonscrit à l'activité de catalogue et de sélection. Celui de la mise en forme est réglé par la tyrannie des système intégrés de gestion de contenus. La typographie, parent pauvre du web, est presque entièrement ignoré. Les piliers du savoir-faire de l'infographiste s'effondre pour ne laisser de place qu'au code et à l'architecture informatique.

Ce constat sans concessions est porteur d'espoirs inédits et de la constitution d'un nouveau métier.

Si l'infographiste s'efface, les savoirs transversaux demeurent et deviennent le pivot d'une nouvelle discipline. Situé à la croisée de plusieurs métiers, l'infographiste était le trait d'union entre l'éditeur, le rédacteur, le graphiste et l'imprimeur. Cet impératif de lien, de passerelle entre les corps de métiers ne disparaît pas, bien au contraire. Une fonction nouvelle se constitue, capable de relier les médias entre eux, de réunir des talents d'horizons divers et divergents, de faire communiquer entre elles des pratiques professionnelles qui s'opposent traditionnellement. Cette fonction reprend l'essentiel des prérogatives de l'infographiste tant dans sa composante papier que dans ses attributions web. Elle s'approprie la convergence média et s'investit dans les projets polymorphes, mixtes, multiples, pluriels.

Cette fonction est partagée. D'un côté, il y a le design, pour sa capacité à créer selon des critères esthétiques, ergonomiques et économiques dans le cadre d'une demande spécifique et des contraintes commerciales et industrielles. De l'autre, il y a l'éditorial qui dit la capacité à employer des talents et à sélectionner des intervenants pour fabriquer des contenus numériques à destination de canaux multiples, selon des publics cibles spécifiques et des contraintes de marchés existants ou en construction. Ce nouveau métier enjambe l'infographie, le web, les médias pour les arranger au gré des projets et faire vivre des univers complexes sous des formes multiples. De fait, un nombre minoritaire d'infographistes deviennent (ou deviendront) ces nouveaux designers éditoriaux. Cette obligatoire et authentique plasticité appelle une nouvelle génération. Et par extension, elle appelle une autre pédagogie.

La formation de cette nouvelle génération ne peut se fonder sur les vieilles recettes des écoles d'infographie, ni sur des diplômes pseudo-techniques figés dans le passé. Elle s'articule sur un corpus vivant et actuel, provenant de l'univers du travail. Elle est construite sur la démonstration de réelles compétences et d'une pratique professionnelle immédiates dès l'entrée sur le marché du travail. Cet objectif correspond à la demande des professionnels en poste tant dans le monde de l'édition que ceux de la presse, de la communication ou des institutions culturelles. Enfin cette nouvelle pédagogie s'appuie sur une veille numérique permanente autant que sur une solide culture technique des médias traditionnels comme des médias numériques. C'est à l'aune de ces exigences que nous pourrons compter sur des collaborateurs efficaces, en maîtrise de leurs outils et capables de développer et de suivre des projets complexes correspondant aux multiples formes que peuvent prendre les produits culturels du l'ère numérique.

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