BookCamp2 est un rassemblement, ce que les britanniques appelleraient volontiers a gathering.
On se croirait dans les Mailles du réseau mais en vrai, sans le maquillage littéraire de l'auteur de romans : un lieu ni anonyme, ni froid. Au tableau, un programme inscrit à la craie. En face, un assemblage hétérogène, armé de dispositifs divers, qui de son iPhone, de son Android, de son MacBook, de son carnet de notes, de son enregistreur numérique, de son appareil photo, de son micro... Des hommes, des femmes en nombre suffisamment équilibré pour que l'on ne puisse pas s'exclamer que le numérique est un truc de mecs. De multiples générations, même si ce sont ceux et celles nés entre 1975 et 1990 qui dominent en nombre... Logique.
Il y a ceux et celles qui se connaissent, se sont déjà vus. Puis il y a ceux et celles qui ne connaissent que les pseudos, les noms de code ou de guerre. Un rapide passage de micro permet à beaucoup de mettre des visages sur des noms ou des blogs. Rapidement on passe à l'action et chacun(e) va prendre place dans l'atelier sélectionné. Il faudra faire parfois des choix difficiles et compter sur le réseau pour glaner des détails des autres réunions.
Les groupes de discussion s'organisent autour d'une thématique portée par des animateurs. Mais pas de formalismes excessifs, pas de numéros de claquettes numériques, pas trop de frime et rien à vendre. Les questions sont plus nombreuses que les réponses et elles forment des pistes, des réseaux, des connexions. Crouzet serait content. Les échanges sont incisifs, ressemblant aux dialogues sur le web.
J'assiste à trois ateliers, et je parviens à voler quelques minutes de deux autres, profitant pour m'insérer dans la conversation. Les interventions sont inégales, mais les idées sont intéressantes et les parcours enrichissants. Le terrain est neuf pour tout le monde et l'égalité devant l'inconnu est totale. Personne ne détient de vérité et l'histoire est encore à faire.
• Atelier 1 - Les informaticiens purs et durs ont encore du mal à faire comprendre et à partager leur métier avec des sphères extérieures. Mais le concept de forges éditoriales logicielles pique la curiosité de tous et allume l'imaginaire fertile des éditeur(e)s de terrain. Si le propos n'est pas nécessairement défendu au mieux par les porteurs, le concept est séduisant pour les métiers du livre. Ils et elles savent que la mutualisation des moyens et la solidarité entre petites maisons est la clé de la survie face à des grandes centrales de diffusion. Le concept de forge éditoriale reste à cerner, à inscrire dans un cadre et surtout à être dit dans des mots et des images compréhensibles pour le monde de l'édition, et surtout de celui des éditeurs indépendants et régionaux.
• Atelier 2 - La bande dessinée est plus en avance sur le terrain du numérique et comme toujours, elle est également plus inventive. Que ce soit au travers de la distribution traditionnelle transposée sur le web, ou à l'édition numérique d'une nouvelle forme de lecture de la bande dessinée, les défricheurs de la BD font toutes sortes d'expériences en grandeur nature. Les auteurs se prêtent au jeu et créent déjà leurs propres espaces d'exposition et de vente. Dans le domaine numérique, la bande dessinée compense le désavantage de la planche et de l'album par l'utilisation de toutes les techniques traditionnelles du cinéma et plus particulièrement du cinéma d'animation. L'écran, quel que soit sa taille réduit radicalement la frontière entre la bande dessinée et le dessin animé.
• Atelier 3 - Le piratage, sujet bateau mais incontournable, est au tableau noir. Et l'on peut se demander ce que l'on va se dire sur le sujet. Mais là aussi surprise. Le MOTif publie une étude sur le piratage en France qui a toute les chances de démystifier le phénomène et de reléguer le spectre au rang d'épouvantail, ou plutôt de feuille de vigne. Mais le piratage n'est pas une question juridique. Elle est avant tout une question éthique que se posent tous ceux et toutes celles qui souhaitent avec une certaine passion diffuser, propager, faire connaître la chose qui leur tient à cœur. Ainsi au travers une expérience de lecteur qui constitue en soi un cas d'école et le témoignage d'un éditeur, on constate que les choix, les initiatives et les actions propres au métier de l'éditeur ne sont en rien la propriété d'une corporation. Bien au contraire, ce sont au travers des liens créés avec l'œuvre, puis avec les auteurs, que tout se construit.
Il y aurait des centaines de détails intéressants mais totalement impossibles à traduire en textes ou en mots. Et ma tentative de compte rendu ne peut décemment aller plus loin que cette évocation, certes un peu floue, mais très présente encore. On dit souvent que le temps du web n'est pas le même que celui du réel. Ce BookCamp est la preuve du contraire et l'expression d'un monde nouveau qui s'installe depuis dix ans et qui commence à se voir à la surface du monde ancien. C'est bien la première fois que je le constate.
Je suis frappé par les efforts déployés par nombre des participants parfois discrets, dont le travail considérable apparaît comme par magie sur les pages de meurs blogs, de leurs sites, de leurs outils. Tout autant, je suis marqué par l'énergie et la passion qui animent tous les intervenants qu'ils/elles l'expriment avec force ou avec calme. Pourtant je ne vis pas dans une bulle et fréquente des corps de métiers tourmentés, dynamiques, centrifuges. Mais ces derniers sont englués dans leurs histoires, leurs méthodes éprouvées, leurs habitudes et n'opèrent que sur des terrains connus et balisés, s'efforçant systématiquement d'écarter toute forme de nouveauté ou d'inconnu.
Alors que cette après-midi à BookCamp est pour ma part un aperçu stimulant de ces temps futurs qui me hantent et m'animent. Et je voudrais, pourquoi pas, comme d'autres, que cela se répète tous les jours... Ce qui est certain, c'est que je serais au prochain rendez-vous.
Merci à tous.
dimanche 27 septembre 2009
BookCamp : tous les jours...?
Libellés : Internet, Livre numérique, Société numérique
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