samedi 27 décembre 2008

2025 : les uns contre les autres

Alors que Thierry Gaudin envisageait, il y a 15 ans déjà, l'émergence des « sauvages urbains » et que Jacques Attali nous promettait l'hyper-confllit, la projection de scénarios crépusculaires semblent bannis de nos visions de l'avenir proche. C'est méconnaître l'Histoire, la dynamique des institutions et la fragilité de nos équilibres économiques occidentaux.

Le paysage de 2025 pourrait très bien être celui des champs de ruines du milieu du 20e siècle. Evidemment, l'avancement technologique jouera toujours en faveur des puissances dotées d'un meilleur armement, d'un meilleur système de surveillance des citoyens comme des transitaires, d'un meilleur dispositif militaire et surtout de la meilleure capacité de projection en tout point du globe.
L'armement est certainement le premier bénéficiaire des avancées technologiques dans tous les domaines : mécaniques, électroniques, micro-informatiques, biologiques, génétiques, radiologiques, etc. On peut même dire qu'il s'agit essentiellement du premier secteur de développement de n'importe quelle nouvelle technologie. Vaincre l'opposition, dominer l'adversaire, écraser la concurrence, détruire la menace, telles sont les missions de l'armement. Et malgré l'introduction et la généralisation des armes non-léthales, dont Alvin Toffler s'était fait le chantre auprès de plusieurs administrations américaines, l'industrie de l'armement est le premier outil de puissance réelle et concrète sur tous les terrains. C'est pour cela que l'armement reste en 2025 le secteur le plus florissant de toute l'économie, ne connaissant que de légères variations en temps de crise économique et sociale, procédant à des transitions habiles entre économie légale et marchés noirs.
Mais si le secteur de l'armement est toujours un moteur économique, son succès repose sur la montée en puissance de deux marchés de choix : la surveillance domestique et la guerre privée.
La surveillance domestique devient progressivement le corollaire de la sécurité nationale ou communautaire. Elle est la garantie à contre-cœur de la tranquillité des citoyens occidentaux contre toutes les menaces diverses et variées qui ne cessent de croître tant en provenance de régions sinistrées, détruites, ou tout simplement pauvres, qu'inhérentes aux clivages qui se créent au sein même des sociétés occidentales et occidentalisées. Passeports génétiques implantés dans le corps, puces de localisation, dossiers médicaux intégrés dans le derme de la main... les citoyens sont parfaitement fichés, répertoriés, numérisés. La paix sociale est à ce prix. Mais une majorité de citoyens ne s'en plaignent pas, préférant de loin la normalisation et le repérages constant à la cohorte des risques pour eux-mêmes et leurs familles.
Fortement ébranlées par les crises économiques successives et une longue période de récession, les sociétés occidentales ont vu les écarts se creuser entre les différentes couches de leurs populations. Les ultra riches côtoient les nouveaux gueux dans un rayon d'action très court mais sans jamais les rencontrer. Utilisant des transports aériens et des voies de communication surélevées, les populations possédantes ne croisent que rarement la misère qui se situe essentiellement dans les niveaux proches du sol, ou tout simplement dans les souterrains des grandes mégalopoles. Les possibilités d'ascension se font par cooptation des résidents de niveaux intermédiaires et surtout par le prix du sang.
Les innombrables conflits locaux pour les ressources énergétiques et les matières premières ont permis l'essor et la généralisation de la guerre privée des opérations militaires de police. Ces dernières sont gourmandes de ressources humaines capables de survivre à des manœuvres de terrain à hauts risques rémunérées copieusement en termes d'ascension sociale et d'actionnariat dans les corporations de la corporatocratie occidentale qui domine la planète à l'horizon 2025. C'est ainsi que les éléments incontrôlés « d'en bas » sont intégrés et profilés dans les dispositifs « supérieurs ». L'ascension se fait au propre comme au figuré.
En 2025, c'est par le conflit que le monde se structure en zones sécurisées et en zones instables à degrés croissants de risques. La guerre est devenue totale, tant dans la mutliplicité de ses formes (militaire, économique, informationnelle) que dans ses champs d'action (terrain, biotope, génome) ou même ses armes (conventionnelles, radiologiques, biologiques, chimiques, bactériologiques). Tous les moyens sont bons pour perpétuer le modèle dominant de l'occident et ce ne sont pas des volontés populaires incontrôlées et locales qui pourront mettre en péril l'intégrité et la souveraineté de la communauté internationale.
Les innombrables conflits locaux augmentent la versatilité des marchés et les incertitudes des résolutions permettent de générer des profits virtuels colossaux et des pertes tout autant abyssales. La croissance est de nouveau possible grâce à une gestion sans merci des tensions sociales, une approche belliciste des problématiques de ressources et d'environnement et un perpétuel renouvellement des besoins en hommes, en puissance de feu, en technologies de l'information et en moyens de domination totale. La doctrine du capitalisme de choc, développée par Naomi Klein dix-sept ans plus tôt, trouve en 2025 un terrain d'action parfait : le monde entier.

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