L'AFP titrait aujourd'hui : A la Foire de Francfort, fureur contre Google et sa bibliothèque numérique. On s'attendrait à un esclandre, des échanges d'invectives et pourquoi pas des coups et des bagarres. D'un côté les éditeurs allemands, outragés et furieux, lançant des œufs pourris sur les représentants de Google. De l'autre, les costumes-cravates armés d'une brief-case en aluminium et d'une oreillette bluetooth, fuyant en évitant les jets de projectiles sous les quolibets de la foule enragée... Et bien non, ce tableau serait plutôt celui des récents événements dans les usines de Picardie, ou les manifestations de paysans sur les Champs. Mais à Francfort, qui n'est pas que la patrie de la saucisse, la « fureur » s'illustre par une interview donnée par un agité local, l'équivalent de notre Finkielkraut national. Puis elle se double d'une petite phrase condescendante d'un ténor du barreau allemand chargé de défendre les intérêts du syndicat du livre d'outre-Rhin... Le seul personnage raisonnable de la troupe est le commissaire européen chargé du multilinguisme, Leonard Orban, qui estimait qu' « il faut assurer l'accès du public aux livres, si possible gratuitement, mais il faut aussi protéger les auteurs » (AFP). Une déclaration diplomatique à la mode bruxelloise, sans saveur, sans consistance, que toutes les parties pourront reprendre à leurs sauces.
Alors que tout le monde de l'édition savait que Google préparait une offensive commerciale sur le secteur du livre, l'annonce semble arriver comme une surprise. La presse s'empare de la nouvelle pour en faire un nouveau cheval de bataille contre Internet et contre Google définitivement devenu le diable en personne. Et dès lors, tout ce qui touche à Internet est dédaigné, comme souillé par la marque de l'infamie du géant des services sur le Web. Les professionnels se divisent alors entre les conservateurs, qui savent, qui connaissent le marché et qui méprisent silencieusement ce phénomène de mode, et de l'autre les progressistes qui anticipent des changements, et qui ont compris que les mutations sont inévitables. Ce qui ne les empêchent pas de savoir et de connaître le marché tout autant. Les premiers se désintéressent des seconds. Et ces derniers, faute de pouvoir déclencher une guerre civile, déplorent cette attitude improductive, fermée, sans avenir...
Mais la surprise créée au Frankfurt Buchmesse ne vient pas de l'annonce de Google ni du déploiement de son dispositif de vente en ligne pour le printemps prochain. La surprise générale vient d'un phénomène invisible dans les médias, mais en creux de toute la propagande hystérique (pour reprendre les termes de Roland Meuss, professeur de littérature à l'Université de Heidelberg) contre Google et contre l'émergence d'une société numérique en général. La surprise, c'est qu'il y a des tas de gens pour adhérer à cette nouvelle vague numérique. Ce qui dérange, c'est que des lecteurs, des auteurs, des éditeurs et même des intellectuels accueillent avec prudence mais enthousiasme le changement de paradigme de l'édition, et avec lui des nouvelles opportunités de diffusion du savoir. Fini la mainmise des marchands de papier imprimé sur la ressource la plus précieuse du 21e siècle : la connaissance.
La surprise de la foire de Francfort est de voir que la société numérique gagne du terrain et se construit aussi dans le domaine du livre. En dépit des résistances et des attitudes en surplomb, la transition vers le numérique s'opère même si beaucoup ont encore du mal à trouver un discours cohérent, qui cadre avec leurs manières de faire, avec leur « process », avec l'éducation dépassée qu'ils ont reçu et dont ils sont les produits. Si on associe à ça la surdité momentanée qui saisit les gens pris de panique, le cocktail devient mortel. Il reste que pendant que Google fait le mariole en Allemagne et que l'édition allemande s'y associe dans un petit numéro de claquettes, d'autres se mettent en action et décident de prendre l'initiative. Claude de Saint-Vincent, patron de Media participations et de Dargaud, ne cherche pas à faire des phrases ni à trouver des boucs émissaires. Le temps est à l'action et son groupe plus connu pour ses BD que ses bouquins s'allie à Editis dans une plate-forme de distribution numérique. Interrogé sur l'avenir du secteur, sa réponse est claire : « Il n'est pas besoin d'aimer le monde qui vient pour le voir venir. Ce qui est arrivé à la musique est en train d'arriver à la vidéo et au cinéma, et va arriver au livre... » Autrement dit, qui vivra verra.
dimanche 18 octobre 2009
Google Edition... Quelle surprise !
Libellés : Internet, Livre numérique, Société numérique
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