mercredi 18 mai 2011

Retards et incompréhensions dans le monde numérique

Couvrir un salon technologique est un exercice périlleux. Il remet en question les convictions personnelles et nous confronte au réel bien souvent très inférieur à nos attentes et nos espoirs.

La société numérique est une réalité, mais comme beaucoup de réalités d'avant-garde, elle ne concerne qu'un public très restreint de gens imperméables aux exigences de rentabilité des industries installées et peu enclins à délaisser l'exploration pour l'exploitation. C'est le fait de l'avant-garde que d'aller sur le terrain des risques, de l'innovation, de la découverte fusse-t-elle surprenante. C'est le sentiment qui se dégage chaque fois que je met les pieds dans un salon, en l'occurrence le salon ONLINE. Son propos, exposer les technologies de la communication numérique dans le cadre du marketing, de la gestion de données et des moyens de transactions. L'objectif est ambitieux, et le contexte propice, tout le monde cherchant à réduire les dépenses et à reconstituer les marges perdues dans les fumeuses opérations du monde de la finance.


ONLINE n'est pas un salon de grande envergure, mais il n'est pas anecdotique. Les exposants ne sont pas des nains (banques, organismes juridiques, éditeurs, web agencies, sociétés de data mining, etc.). Et la Porte de Versailles n'est pas un espace de conférences de second plan. Sur deux jours, le set de conférences proposé est prometteur et couvrira les essentielles questions que se posent les principaux acteurs de la communication et de l'information : quels modèles économiques ? Quels indicateurs ? Quels outils ? Quels publics ? Quels bénéfices ?


Evidemment, une fois sur place, la réalité est très différente de la promesse (qui n'engageait que ceux et celles qui l'avaient cru). Coté stands, mis à part les banques qui savent depuis longtemps présenter simplement leurs offres de solutions monétiques, les autres exposants peinent à montrer une offre lisible, à faire connaître une identité, une définition... Bref, on ne sait pas qui ils sont, ce qu'ils font ou ce qu'ils proposent. Il faut s'arrêter, poser des questions, et tenter bien souvent d'entrer dans la logique de la société pour comprendre l'offre.


Coté conférences, il est difficile de se faire une idée générale puisque que les ateliers et les tables rondes se déroulent aux mêmes heures. Le décalage qui aurait pu permettre de commencer ici et de poursuivre là-bas, si finalement le sujet ne nous intéresse pas, est inexistant. Toutefois, j'ai pu suivre certaines d'entre elles et me rendre compte du gouffre qui séparent les acteurs traditionnels des nouveaux entrants et vérifier que le temps des confrontations est loin d'être dépassé. La guerre entre les méthodes d'hier cet celles de demain continue de battre son plein et c'est à qui fera l'apologie de l'existant ou du lendemain au détriment du débat proposé par les animateurs. Les pires sont les instituts d'études statistiques ou les cabinets de stratégie qui viennent présenter des états des lieux qui se transforment systématiquement en recommandations stratégiques souvent à côté de la plaque.


Entre une conférence sur le crossmedia qui tourne à l'affrontement de points de vue entre marchands de papier et marchands de serveurs dédiés, des intervenants qui ne font rien d'autre que de la réclame pour leur maison, leur activité, leurs offres, et des animateurs qui manquent à trouver des terrains d'ententes faute de statisticiens pertinents, la succession des tables rondes est une expérience ennuyeuse, monotone, vide d'intérêts.


Pas ou peu de réponses et finalement, on ressort de là avec un sentiment de frustration.


Cette frustration ne vient pas d'une impression à la Cervantes de se battre contre des moulins à vent, mais plutôt du constat sur le décalage vertigineux entre les uns et les autres. D'un côté des professionnels établis, encastrés dans leurs certitudes et leurs habitudes, et de l'autre un assemblage hétérogène d'anciens et de nouveaux, d'experts auto-proclamés et de spécialistes de l'inconnu. Le discours est antagoniste, inaudible, voire complètement décalé. Les uns crient à la protection du patrimoine, les autres à la révolution numérique salvatrice. Tout le monde enfonce tout le monde, les uns subtilement, les autres grossièrement... Un authentique dialogue de sourds.


C'est sûr, ça ne donne pas envie d'y retourner. Et ce qui apparaît clairement (à qui a suivi des rencontres à l'étranger notamment chez les anglo-saxons) c'est l'absence de lisibilité réelle de l'offre, des moyens, des solutions, du ou des projets numériques des nouveaux entrants. Je ne vois comment cette nébulosité peut en quoique que ce soit donner confiance aux acteurs en place qui ne voit là qu'une forme nouvelle de communication "communicante" éventuellement stérile, probablement coûteuse, vraisemblablement sans retour sur investissement. On peut arguer qu'il s'agit d'une posture conservatrice et peu disposée à l'innovation, elle est néanmoins légitime.


Les français sont-ils en retard dans l'adoption d'une culture numérique ? A la vue de ce salon (qu'il soit représentatif ou non), on peut penser qu'ils le sont. Mais la réalité est que les acteurs en place progressent. C'est indéniable. Il faut donc croire que l'adoption de ces nouvelles technologies, de cette culture numérique passe par d'autres canaux. Cela se passe ailleurs, lentement, par tâtonnements, par une expérimentation à vue. C'est du moins le sentiment qui ressort d'une visite à ONLINE.


Liens :
Le salon ONLINE

0 commentaires: