Finalement, le principal problème de l'actualité numérique, c'est d'avoir de la nouveauté. Or, cela fait un bout de temps qu'il n'y a rien de bien nouveau sous le soleil digital. L'édition rattrape lentement son retard, sans pour autant combler ses lacunes en termes de produits. Elle est semblable aux autres industries des médias qui ne savent toujours pas où donner de la tête, ni inventer de nouvelles pratiques culturelles adaptées à un nouveau public, ni faire feu des bricolages numériques des utilisateurs.
En fait la formation de nos managers est un désastre. Et dans les médias, c'est comme partout ailleurs.
Si les techniciens du terrain sont parfaitement compétents, énergiques et souvent inventifs, ils sont également compartimentés et hyper-spécialisés. Lorsqu'il s'agit de communiquer avec le voisin dans la chaîne de fabrication ou de production, cela s'avère relativement simple, mais dès qu'il faut passez un ou deux échelons plus éloignés, cela devient un cauchemar, voire impossible. Il est alors crucial de disposer d'un superviseur qui est capable d'un regard sur trois, voire quatre échelons à la fois... Mais ce n'est pas toujours le cas, et ce(tte) dernier(e) n'est pas moins compartimenté et hyper-spécialisé aussi.
Pour ce qui est des chefs de projets, cette nouvelle race de polyvalents qui n'ont de polyvalence que leur titre, leur formation est entièrement orientée vers le recrutement et la gestion de prestataire d'expertise technique. A croire qu'on forme les chefs de projets comme on forme des chefs de pub. La dépendance ainsi créée est si grande qu'il est devenu facile de planter n'importe quel projet média, quelle que soit sa dimension. Les chefs de projets sont formatés à la gestion de planning, au suivi de procédures, au recrutement de prestataires sur la base de lignes budgétaires abstraites. Ces dernières sont décidées par des technocrates déconnectés du réel et évoluant dans un univers arithmétique qu'ils aiment complexifier à outrance.
Pire, les écoles qui forment ces chefs de projets sont pieds et poings liés par une politique traditionnelle d'éducation réglementée qui grave dans le marbre tout ce qu'elle touche, tel Midas incapable de se nourrir de ce qu'il porte à sa bouche. Pour obtenir agréments et certifications, les écoles se voient contraintes d'enseigner des programmes figés dans le temps, à l'instant où ils ont été présentés dans les cénacles poussiéreux et obscurs des commissions et des ministères. Ce qui vaut pour les uns, valant pour tous (définition absurde de l'égalité républicaine), la grande majorité des formations à caractère numérique agréées et/ou certifiées sont obsolètes dès leur mise sur le marché. Comment pourraient-elle être autrement ?
La société numérique ne pourra donc voir le jour qu'en revenant aux sources et en passant à une cadence rapide de transformation des outils et des dispositifs pédagogiques vers une plus grande flexibilité. Ce qui signifie une destruction massive de l'édifice actuel et des réglementations en vigueur, toujours plus restrictives, pour ne pas dire corporatistes. Au revoir les OPCA qui n'ont d'autre légitimité que celle donnée par des syndicats ultra-minoritaires et qui se révèlent parfaitement incompétentes en matière de choix stratégiques. Au revoir aussi les commissions d'agrément issue de la seule bureaucratie républicaine qui n'ont ni expérience, ni expertise, ni même une vision industrielle sur les innovations numériques qui surviennent à un rythme autrement plus rapide que la vitesse de traitement des dossiers qui leur sont transmis. Au revoir enfin la tutelle de l'éducation nationale sur les matières industrielles et l'innovation technologique qui est un frein formidable au développement technologique dans ce pays.
Une telle révolution implique une nouvelle règle du jeu qui ne saurait s'encombrer des seuls intérêts des acteurs industriels, car nous le savons tous : l'intérêt général n'est pas la prérogative première du capitalisme. Alors il va falloir plancher sur ces nouvelles règles, réunir à la fois les acteurs et les inventeurs, et peut-être réussir à faire travailler de manière transversale des industriels, des laboratoires de recherche indépendants, des sociétés d'auteurs et des experts de la conservation et du patrimoine pour toute la société française retire des bénéfices directs et indirects substantiels de l'actuelle révolution numérique. L'alternative est simple : les gagnants seront les compagnies internationales qui détiennent le business des appareils. Ils ne seront pas seulement gagnants sur le versant commercial. Ils seront également les maîtres des contenus... alors autant dire du monde.
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