vendredi 25 novembre 2011

Travailler sans ordinateur à l'heure des smartphones : l'entreprise a-t-elle encore besoin de postes de travail informatique ?

Dans moins de trois ans, le nombre de smartphones aura dépassé le nombre d'ordinateurs de bureau sur l'ensemble de la planète. Il est raisonnable de penser que le nombre de tablette tactiles connaîtra le même type de progression vis-à-vis de l'ordinateur portable dans un délai à peine plus long. Dans la perspective inéluctable de l'accroissement massif des dispositifs portables, le poste de travail fixe, localisé, attaché à des locaux commerciaux, est-il encore une nécessité ?

Le poste de travail tend à se dématérialiser. Les souris et les claviers sont progressivement remplacés par des contreparties virtuelles apparaissant à la demande sur l'écran de la tablette ou du smartphone. D'autre part, la nécessité croissante de mobilité exigée sur les postes commerciaux et techniques incite au déploiement d'une nouvelle offre d'outils flexibles, nomades, transparents et transopérables sur lesquels fonctionnent des versions allégées et ergonomiques des logiciels de bureautique et de gestion les plus courants. Cette tendance à l'œuvre depuis l'apparition des smartphones s'est accélérée avec l'installation des tablettes tactiles dans le périmètre des outils informatiques.
On a crû pendant quelques temps que les netbooks allaient constituer une étape déterminante dans l'évolution des besoins de traitement informatique professionnels comme domestiques, mais la réalité a démontré que le public était en attente d'une technologie de poche ou de serviette connectée aux réseaux sans fil. Les netbooks se sont donc effacés derrière les smartphones d'abord, puis les tablettes tactiles. Dans cette dynamique, Apple a très fortement, par son rôle pédagogique en matière d'usages, contribué à modifier radicalement le paysage en imposant des normes ergonomiques et des typologies d'appareils.


C'est donc naturellement que se pose la question de la persistance des postes de travail fixes au sein de l'entreprise et, dans un avenir tout aussi proche, au sein du foyer. Bien que, dans ce dernier cas, les consoles spécialisées et les "boxes" de toutes sortes réduisent la nécessité de l'ordinateur individuel. Le peu de place qui reste au PC familial est phagocyté par l'arrivée des tablettes tactiles. On pourrait facilement imaginer que le PC commence par disparaître de la maison en premier.
Au bureau, le PC apparaît toujours plus comme une contrainte à la fois dans la dynamique du travail que dans la gestion des informations utiles. Représentant à la fois un coût fixe à perte constante vu l'obsolescence programmée des appareils et des logiciels, le poste de travail n'a désormais que des inconvénients et très peu d'avantages. Mais quid des données, des archives, des informations commerciales de l'entreprise ? N'est-ce pas là le rôle encore actif de l'informatique de bureau ?
Et bien non.
La dématérialisation du poste de travail fixe s'accompagne d'un volant d'offres de dématérialisation des fonctions antérieurement dévolues à l'ordinateur résidant : stockage, synchronisation des données, hébergements spécialisés, outils crossmedia, et surtout le "cloud computing". Tous ses services sont directement adressés aux smartphones et aux tablettes tactiles connectées, permettant l'accès direct aux données utiles (fiches techniques, informations commerciales, devis, factures, historiques, etc.) et aux logiciels de base (texte, tableur, présentation, gestion, imagerie, etc.).
On peut donc imaginer (et c'est déjà le cas dans nombre d'entreprises) des équipes de collaborateurs mobiles, travaillant occasionnellement dans des BBWS (bare bone work spaces) couverts par des bornes WiFi et offrant essentiellement des espaces de réunion et de contacts avec la clientèle. Les bureaux sont alors réduits à la fonction administrative uniquement qui peut, elle-même, faire l'objet d'un outsourcing. Ne restent finalement que les espaces de direction. La plupart des gestionnaires ne peuvent manquer de noter aisément l'économie réalisable. Mais ce gain ne se fait pas sans une transformation radicale, pour ne pas dire une mutation de la culture d'entreprise.


La mutation des espaces physiques de travail commence par un retour à la culture du terminal sous un jour nouveau. Les smartphones et les tablettes tactiles, dont les capacités de stockage sont limitées et dont la connectivité dépend essentiellement d'un opérateur télécom, obligent à une culture de réseaux. Cette donnée semble transparente tant les opérateurs sont présents au cœur de l'activité industrielle et commerciale au travers de la téléphonie mobile, des moyens techniques liés aux transactions et des systèmes de transmission attachés aux médias traditionnels. Mais cette révolution (la fin des acteurs de l'informatique industrielle au profit des opérateurs de télécommunication) n'a rien d'une étape innocente ou logique. Il s'agit, pour qui s'est penché sur la question, de la conclusion d'une longue lutte historique entre corporations divergentes, voire antagonistes.
Ce changement de paradigme, comme le disent les chantres de la révolution technologique permanente, bouscule l'ensemble des habitudes de travail au point de remettre en question des principes fondamentaux de représentation sociale et de statuts professionnels. Alors que les corporations internationales continuent d'inaugurer en grande pompe des ensembles immobiliers pharaoniques, visibles d'aussi loin que possible, la philosophie générale du travail se modifie profondément pour rendre totalement obsolètes tout ce qui est fixe (à commencer par le poste de travail et par extension tout ce qu'il y a autour).
Le collaborateur de demain n'a pas besoin du bureau. Le sien, chez lui, ou n'importe quel plan de travail lui convient, à la bibliothèque du coin ou au bistrot. Ce qui compte est la couverture télécom en WiFi et 3G et des conditions sonores à peu près acceptables pour travailler. L'encombrante voiture de fonction est, depuis un certain temps déjà, échangée contre un scooter ou même un vélo, et l'attaché-case troqué pour un backpack profilé qui contient tout au plus un ordinateur portable léger, destiné essentiellement aux présentations et aux synchronisations, et aux sauvegardes de données.
Tout ce qui encombre, entrave, ralenti, immobilise est donc rejeté pour permettre la flexibilité, le mouvement, les déplacements, et une certaine liberté d'action. Voilà bien des principes qui s'opposent totalement à la culture d'entreprise dominante en France et d'une manière générale en Europe. Les français sont la lanterne rouge en matière de télétravail et les européens restent massivement sédentaires et peu perméables à la dématérialisation de l'activité professionnelle.
Cette mutation de la mobilité ne fait pas qu'éliminer le poste de travail fixe. Elle engendre une transformation des supports de communication et augmente par extension l'obsolescence du PC. Car les supports s'adaptent à la taille des nouveaux écrans, à la surface de visualisation réduite et à des systèmes d'écoute légers. L'image est devenue reine, aussi bien dans le message publicitaire que dans les programmes de formation. Le texte recule, et la lecture avec lui. Les utilisateurs recherchent désormais l'information sous des formes audio ou vidéo, et n'attendent du texte qu'un aide-mémoire ou un document de référence synthétique. Cette nouvelle hiérarchie ordonne les prochaines avancées technologiques.

Les smartphones sont partout et les tablettes ne tarderont pas à supplanter les ordinateurs individuels de toutes sortes. Cette nouvelle donne ouvre la voie à un contact continu dans le cadre de la communication interne, mais aussi dans le cours de la relation clientèle. Elle implique une plus grande fusion entre le savoir informatique et la culture graphique. Enfin, elle oblige à une nouvelle stratégie de formation continue des collaborateurs.
La disparition imminente du poste informatique fixe n'est pas une fiction. Elle préfigure une révolution radicale de l'environnement et des habitudes de travail. Cette philosophie innovante de la mobilité est une réalité pour nombre d'entreprises de nouvelles technologies et pas seulement aux Etats-unis. Il est curieux de voir combien ces principes sont ignorés, encore aujourd'hui, au sein de nos entreprises.

Alors irréductible retard ou résistance réelle ?

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